6 - Un art d’habiter
Une ville par sa complexité, par son organisation, par sa succession linéaire fait patrimoine, avec son histoire et la sédimentation de différentes époques. Si l’on a une volonté de garder les choses, on peut transmettre une histoire, une compréhension du passé, et la conservation d’éléments architecturaux est une façon de raconter le passé. (…) Ce que l’on garde, ce que l’on choisit de ne pas détruire est révélateur de notre culture.
Paul TROUILLOUD
Les Yvelines présentent un patrimoine urbain et architectural d’une très grande richesse qui contribue de façon majeure à la qualité de ses paysages bâtis.
L’ensemble du territoire est enrichi par la remarquable densité des châteaux, des parcs et des jardins hérités du Moyen-Age puis de cinq siècles d’attractivité pour la villégiature (voir Les fondements des paysages/6. Les hommes, l’urbanisation et les infrastructures : la métamorphose des paysages).
Hors de l’aire agglomérée de l’urbanisation, qui concerne le quart nord-est du département, les Yvelines s’organisent toujours en un maillage de villes, bourgs et villages clairement distincts les uns des autres au sein des espaces agricoles et forestiers. Ils offrent toute l’élégance d’un bâti aux formes simples (toits à deux pentes) mais aux matériaux variés aux tonalités chaudes et harmonieuses : tuiles plates brunes, calcaires blancs, calcaires jaunes, enduits clairs, mais aussi meulière orange et texturée, si originale. La richesse vient de l’association délicate de ces formes simples pour composer un tissu bâti généralement parallèle et/ou orthogonale à la voie de circulation.
Devenus accessibles grâce à la voiture individuelle, ces bourgs et villages accueillent aujourd’hui un grand nombre de "rurbains". Ils sont très fréquemment rénovés par une mise en valeur appréciable du patrimoine construit et des espaces publics.
Versailles est le fleuron de l’héritage urbain et architectural des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècle, par l’ampleur de sa composition urbaine et paysagère associant le château à son parc et à la ville. La théâtralité toute baroque de la ville se perçoit dans chacune de ses perspectives urbaines, tenues par les remarquables horizons boisés de son écrin forestier.
Dans un tout autre genre, les "lotissements forestiers" du Vésinet et de Maisons-Laffitte composent des villes-parcs où les arbres des jardins et des parcs forment le tissu végétal de l’urbanisme. Ils autorisent une créativité architecturale caractéristique du XIXe siècle, sous forme de villas aux styles éclectiques. On retrouve cette créativité architecturale de Bougival à Meulan, au fil de la Seine et de ses coteaux, le fleuve et sa vallée étant devenus attractifs et accessibles avec l’arrivée du train.
Au XXe siècle, des créations architecturales signées de grands maîtres se rencontrent çà et là dans les Yvelines. Ainsi les villas des architectes Le Corbusier à Poissy (villa Savoye), Mallet-Stevens à Mézy (maison Paul Poiret) et Alvar Aalto au Tremblay-sur-Mauldre (maison Louis Carré) sont les plus connues. En urbanisme, la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, divisée en quartiers nombreux et très différents, a été dessinée à partir d’une trame verte qui assure son unité et ses ambiances arborées et jardinées. Elle a cultivé la « tradition » de l’écrin forestier, partout présent sur ces confins nord du plateau de Rambouillet.
Quel enseignement tirer de cette valeur ? Comment valoriser le paysage sur cette base ?
En ayant doublé sa population en quarante ans seulement (et quintuplé en 100 ans), les Yvelines comme l’île de France, ont vu l’urbanisation progresser dans leurs paysages sous forme de lotissements et de zones d’activités qui véhiculent une image standard ou désorganisée du territoire. L’enjeu tient à la capacité de développer la qualité et la créativité paysagère, urbaine et architecturale au travers des projets d’urbanisme et d’architecture : à la fois inscrits dans leur contexte spatial et dans leur époque contemporaine. Il tient également au rôle de la planification. Ainsi le SDRIF, Schéma Directeur de la Région Île de France, "contient" l’urbanisation par l’instauration de "coupures vertes" ou "continuités", espaces de respiration et liaisons agricoles ou naturelles, dans lesquels l’urbanisation est limitée. Développer sur ces dispositions réglementaires des projets de paysage peut permette de concrétiser par des réponses opérationnelles, un urbanisme en lien avec son territoire et tourné vers la qualité du cadre de vie.