20- Le val et les coteaux d’Orgeval

Je vois depuis l’autoroute, on a la centrale de Porcheville d’un côté, et puis des immenses falaises de l’autre… On se dit que se joue là une confrontation nature-culture. On est dans un paysage puissant. Et ça, à l’échelle de l’autoroute, on sent des choses. Mais quand on se balade à vélo là, on est un peu perdu. C’est un paysage de grand flux, de grand passage et de grande puissance. On se demande un peu comment habiter cette vallée de la Seine. On sent qu’après ça se calme, à partir de Mantes.
Alain FREYTET

Le secteur d’Aubergenville fait partie de ce grand espace au centre de Seine-Aval ; c’est une commune qui a un énorme potentiel de développement et qui concentre tous les aspects de cette vallée : industriel, villégiature, vallée de Seine, deux cités-jardins, mais aussi cette couche métropolitaine : une ville qui a géré cette articulation parfois difficile et rugueuse entre une logique métropolitaine et une qualité de territoire qui est très forte.
Jean-Christophe RIGAL

Plus on s’éloigne, et plus la logique de bassins de vie est affirmée. Elle est volontairement affirmée autour de Mantes. Entre les deux, c’est plus difficile, mais c’est surtout lié à l’armature urbaine, qui n’a pas autant de force. Meulan, sur la couronne rurale du Vexin, est un élément de polarisation, mais sur la rive gauche c’est plus compliqué. Mais c’est un secteur moins organisé, on a plus un agrégat de bassins de vie.
Jean-Christophe RIGAL

Résumé

Le Val d'Orgeval entre le relief de la butte de Marsinval et l'horizon sombre des coteaux arborés du plateau des Alluets
Schéma d'organisation du val et des coteaux d'Orgeval

Les coteaux et le val d’Orgeval forment parmi les paysages les plus originaux du nord Yvelines. Entre le flanc nord du plateau des Alluets et la butte de Marsinval, ils dessinent un petit couloir est-ouest qu’ont emprunté les grandes infrastructures de transit (A13, A14 et RN13/RD113) pour échapper aux boucles de la Seine. Constitué à la fois de coteaux, de buttes, de replats et de vallons, le paysage apparaît particulièrement varié. On retrouve cette diversité dans les vues offertes - forestières, urbaines et agricoles-, et dans l’occupation agricole des sols, dominée par les céréales, mais par endroits encore marquée par les structures végétales de vergers, pâtures, arbres, haies et bosquets. La forte pression de l’urbanisation a jusqu’à présent maintenu les continuités paysagères et écologiques majeures, liant le plateau des Alluets à la vallée de la Seine, dont la plus connue est la plaine de la Jonction.

Situation

Le Val d'orgeval s'immisce entre la butte de Marsinval, et les coteaux du plateau des Alluets

Les coteaux et le val d’Orgeval forment le rebord nord du plateau des Alluets. Au lieu de basculer directement sur la vallée de la Seine, ils forment une unité propre en s’isolant de la vallée par la butte-témoin de Marsinval. Ils s’allongent ainsi sur une quinzaine de kilomètres dans la direction armoricaine, de Chambourcy à Bouafle/Flins. Les limites physiques et visuelles sont nettes au sud, avec les pentes boisées du plateau des Alluets qui referment l’horizon ; elles sont ténues à l’est, avec la plaine de la Jonction qui sépare Chambourcy de l’urbanisation continue de l’agglomération parisienne ; elle est physiquement nette mais visuellement ouverte au nord et à l’ouest, en s’arrêtant aux rebords des coteaux de la vallée de la Seine, autour de la butte de Marsinval (de Villennes-sur-Seine à Chapet en passant par Médan, Vernouillet et Verneuil), et sur Bouafle et Flins-sur-Seine. Des vues larges s’ouvrent ainsi sur la vallée de la Seine.

Ce couloir naturel, drainé par les rus de Buzot et d’Orgeval, est emprunté par l’A13, l’A14 et la RN13/RD113, qui échappent ainsi aux circonvolutions de la Seine pour les liaisons rapides est-ouest. La présence de trois échangeurs (Chapet, Orgeval, Chambourcy), rendent le territoire facilement accessible et sous pression de développement.

Unités de paysage locales :

  • Le vallon du ru de Buzot
  • Le vallon du ru d’Orgeval
  • Le coteau festonné du plateau des Alluets
  • La butte de Marsinval
  • Le plateau agricole de Verneuil-Vernouillet
  • Le plateau agricole de Brezolles
  • Le plateau agricole du Rouloir
  • Le plateau agricole de Bouafle

Caractéristiques paysagères, repérage d’enjeux

Un paysage original, dans les coulisses de la Seine

Le plateau de Brezolles, entre les hauteurs des Alluets (à gauche) et la vallée de la Seine, dont on aperçoit le coteau de la rive droite à l'horizon à droite

Le val d’Orgeval, avec les coteaux qui l’accompagnent, constitue sans doute l’un des paysages les plus originaux du nord Yvelines. Il échappe aux catégories des grands paysages départementaux : ni tout-à-fait vallée, ni tout-à-fait plateau, ni tout-à-fait plaine, ni tout-à-fait butte, ni tout-à-fait coteau, il condense un peu de tout cela à la fois, à une échelle restreinte qui lui garantit un attrait lié à sa diversité paysagère. Sa position dans l’espace départemental n’est pas moins intéressante : plus à l’est, le plateau des Alluets rencontre directement la Seine, déroulant les vifs coteaux de Bougival à Saint-Germain-en-Laye (voir unité de paysage « Les vallons et coteaux de Bougival à Saint-Germain-en-Laye »).

La butte de Marsinval, vue du chemin du Moulin à Vent, GR1 (Montamets)

Mais ici, une butte-témoin vient s’interposer, la butte de Marsinval. Entre les deux reliefs, le ru d’Orgeval (aussi appelé ru de Russe en amont) creuse les dépôts marneux, sableux et argileux de l’Eocène supérieur pour constituer un paysage en soi, suspendu entre les hauteurs du Plateau des Alluets au sud et les basses étendues de la vallée de la Seine au nord.

D’est en ouest, l’axe que forment ensemble le ru d’Orgeval et le ru de Buzot, constitue un couloir naturel qui permet aux grandes voies de transit d’échapper à la fois aux hauteurs trop élevées du plateau des Alluets et aux méandres trop tortueux de la vallée de la Seine : c’est ainsi que la RN 13/RD113 et l’axe A14 et A13 l’empruntent. Mais pour ceux qui habitent sur place ou pour le visiteur moins pressé, plusieurs petites routes permettent de profiter de ce paysage agréablement animé par les reliefs par exemple la route de Morainvilliers à Ecquevilly, la route de Chapet à Verneuil, la RD 154 d’Orgeval à Vernouillet. Une ancienne voie ferrée qui relie Saint-Germain à Meulan a fonctionné jusqu’en 1948.

  • Favoriser l’appropriation d’un paysage méconnu grâce au réseau des routes secondaires.
  • Requalifier les abords urbains et paysagers des grandes routes.
  • Mettre en valeur l’ancienne voie ferrée du ru d’Orgeval et ses ouvrages.
  • Mailler les itinéraires de randonnées majeurs (GR1 et 26) avec des boucles locales.

Un coteau festonné de vallons préservés

Le ru des Fonds de Romainville, entre Morainvilliers et Ecquevilly
Succession de rus, entaillant les flancs nord du plateau des Alluets en petits vallons

Sur ce côté nord du plateau des Alluets, les eaux qui sourdent ont profondément entaillé ses flancs en vallons successifs, appelés localement vallées. De Chambourcy à Ecquevilly, on en compte sept principaux : le ru de Buzot, le ru de Russe, le ru de Bréval, le ru de la Vallée Maria, le ru des Fonds de Romainville, la vallée du Roncey, les Fonds de Cayenne. Avec leurs petits affluents, l’ensemble festonne le long coteau des Alluets, enrichissant et complexifiant la géographie des sites, les paysages, les milieux naturels et les villages. Du fait de leur orientation au nord, ces vallons à l’amont sont restés plutôt préservés des implantations humaines importantes.

La "colonne détruite", principale folie du Désert de Retz. Gravure du XVIIIe | source Topic Topos

Au XVIIIe siècle, cet isolement a incité un riche aristocrate, Mr de Monville, à créer son domaine retiré dans l’un de ces replis : le Désert de Retz. Au fond du ru de Buzot, de 1774 à 1789, il y créa l’un des plus fameux parcs anglo-chinois de l’histoire des jardins. Sur 40 hectares, une vingtaine de fabriques y furent édifiées, dans une composition savante ménageant la découverte progressive de chacune d’elle. Très célèbre en son temps, le Désert accueillit entre autres le roi Gustave III de Suède, Marie-Antoinette, la comtesse du Barry, mais aussi Benjamin Franklin et Thomas Jefferson. Tombé en ruine à l’issue de la Révolution, ce n’est qu’au cours des années 1980 que le domaine a pu être progressivement remis partiellement en état, jusqu’à son ouverture officielle en 2009.

  • Préserver la richesse locale des vallons sur les coteaux.
  • Valoriser le passage de l’eau dans les bourgs.

Un paysage agricole varié et fragile

Verger sur les pentes de Chambourcy, au-dessus de Poissy. A l'horizon l'extrémité est de la butte de l'Hautil (Chanteloup)

Le val et les coteaux d’Orgeval composent parmi les paysages agricoles les plus proches du cœur de l’agglomération parisienne. La diversité des situations a favorisé celle des cultures. A partir des années 1930, la culture du chou cède la place aux cultures fruitières. L’arboriculture connaît son âge d’or au début des années 1960. Depuis les années 1980, ils se raréfient, beaucoup tombant en friches avant d’être reconvertis en céréales, voire urbanisés selon leur emplacement. Quant à l’élevage de chevaux, il garantit la gestion de quelques parcelles, à Bures et Morainvilliers notamment.

L'élégance du paysage agricole, déroulé en vague ample. Ici vu de Morainvilliers

Les cultures céréalières, qui dominent aujourd’hui, ouvrent de généreux paysages, dans le val d’Orgeval mais aussi sur les petits plateaux intermédiaires, qui composent une marche entre le coteau des Alluets, la butte de Marsinval et la vallée de la Seine : plateau de Verneuil-Vernouillet, plateau de Brezolles, plateau du Rouloir, plateau de Bouafle.

Zone Agricole Protégée de Vernouillet |
Les pentes de la butte de Marsinval, côté Vernouillet, sont riches de structures paysagères diversifiées

La commune de Vernouillet a été la première d’Ile-de-France à mettre en place une ZAP (Zone Agricole Protégée), qui concerne 1/3 de son territoire. Elle couvre aujourd’hui 240 ha. Cette démarche de protection de terres agricoles s’est traduite par plusieurs actions : aménagement de sentiers paysagers, remise en culture de friches (80 ha), installations de barrières de protection des champs, développement de circuits courts, rencontre entre agriculteurs et habitants.

Vergers et pentes cultivées offrent un paysage agricole riche et varié

Sur les pentes du coteau des Alluets, de la butte de Marsinval et du ru d’Orgeval, le parcellaire en lanière, qui subsiste par endroits, et l’occupation du sol un peu plus variée, favorisent la présence de structures végétales qui diversifient le paysage et les milieux : friches en bandes, haies, bosquets, arbres isolés…

Quelques fermes isolées ponctuent par ailleurs l’espace.

  • Préserver les espaces agricoles et leur économie.
  • Maintenir la variété des paysages agricoles.

Des vues dominantes étonnamment contrastées

Vue sur la forêt de Saint-Germain-en-Laye, depuis les hauteurs de Chambourcy

Depuis les coteaux, des vues larges sur le grand paysage de la vallée de la Seine se succèdent. Elles prennent des aspects contrastés selon les séquences. Au-dessus de Chambourcy, la mer sombre de la forêt de Saint-Germain-en-Laye constitue sans aucun doute l’un des paysages les plus saisissants qui soit : il est rare en effet de dominer l’étendue forestière qui, dans le département et dans la région, coiffe le plus souvent les hauteurs. La scène est d’autant plus originale que, tout-à-fait à l’est, les tours de La Défense semblent émerger des arbres, annonçant Paris. De même, depuis la RD 154 qui traverse les espaces agricoles protégés de Vernouillet, une ouverture majeure permet d’embrasser l’étendue forestière de Saint-Germain-en-Laye avec les tours de la Défense et le Mont Valérien posés sur l’horizon lointain.

Vue sur Poissy depuis la Bidonnière

Au pied du coteau d’Aigremont, les tours de Poissy émergent dans un paysage urbain. Les étendues agricoles dominent plus à l’ouest, ouvertes sur le val d’Orgeval et la butte de Marsinval. Enfin, autour d’Ecquevilly les pentes du plateau des Alluets comme celles de la butte de Marsinval s’ouvrent sur le grand paysage de la Seine, dont on lit bien, à l’horizon, les coteaux boisés de la rive droite qui annoncent le Vexin.

Vue sur le val d'Orgeval et les coteaux, depuis Chapet

Quant aux rebords même des petits plateaux intermédiaires, occupés par les villages tournés vers la Seine, ils offrent des vues sur la plaine alluviale, avec la diversité de son occupation du sol : ville (les Mureaux), industrie (Flins), forêt (Verneuil), espaces agricoles (plaines de Chapet, de Bouafle et de Flins, voir l’unité de paysage n°21 : « Le grand couloir de Seine entre Meulan/Les Mureaux et Mantes-la-Jolie »).

Au sein de cette même unité, les vues varient ainsi fortement selon l’échelle des paysages et la nature de l’occupation des sols. Elles traduisent bien la spécificité de cette unité de paysage organisée en coulisse de la vallée de la Seine. Il serait intéressant de valoriser ces points de vue.

Des bourgs précisément positionnés

Morainvilliers, vu de Bures. Les villages se positionnent à la cote 125, qui correspond à la ligne des sources
Orgeval centre
Sur le coteau nord des Alluets bourgs et hameaux sont positionnés sur une ligne de source à une altitude constante (125m)

Au fil du coteau des Alluets, les bourgs, les villages et les hameaux ponctuent précisément l’espace : Chambourcy, Aigremont, Béthemont, la Chapelle, Orgeval, le Haut-Orgeval, le Moulin d’Orgeval, Monthamets, Benainvilliers, Morainvilliers : tous sont positionnés à la cote 125, correspondant à une ligne de sources. Sur la butte-témoin de Marsinval, on retrouve logiquement cette même altitude pour les noyaux anciens de Bures et de Brezolles.

Une pression du développement très sensible

Développement urbain en cours à Ecquevilly
La zone commerciale des 40 Sous, allongée sur 2 km dans le val d'Orgeval le long de l'A13 et de la RD 113 : un paysage d'activités linéaire ordinaire, témoin de la pression du développement urbain

La pression du développement urbain sur le secteur est à la fois liée à sa situation et à ses infrastructures : proximité immédiate avec l’urbanisation continue de l’agglomération parisienne (qui s’achève à Fourqueux/Saint-Germain-en-Laye), et présence de l’A13, de l’A14 et de la RN13/RD113. Cette pression s’exerce par l’est et le cœur de l’agglomération parisienne, mais aussi par l’ouest et le nord, remontant de la vallée de la Seine.

Elle se traduit de plusieurs manières :

  • une urbanisation qui s’essaime de façon dispersée (remontée de Villennes-sur-Seine, allongement d’Orgeval)
  • une urbanisation plus concentrée dans la continuité urbaine existante (Chambourcy, Verneuil et Vernouillet)
  • une urbanisation dans la discontinuité, que ce soit pour l’habitat (Résidence du parc, Ecquevilly, années 1950 ; Domaine de Marsinval, Vernouillet, années 1970) ou pour les activités (zone d’activités des 40 Sous à Orgeval, zone d’activités d’Ecquevilly, zone d’activités de Chambourcy, etc).
Un secteur à proximité de l'agglomération parisienne fragilisé subissant une pression urbaine particulièrement forte par sa situation et les infrastructures le traversant
  • Adoucir la présence bâtie dans le paysage.
  • Ancrer l’urbanisme dans le territoire.
  • Requalifier les linéaires commerciaux des grandes routes.

Des continuités paysagères et biologiques majeures

La plaine de la Jonction, avec l'urbanisation limitrophe de Chambourcy et, au-delà de la RN 13/RD113, la lisière de la forêt de Saint-Germain-en-Laye

Jusqu’à présent, les extensions ont réussi à préserver les espaces de respiration qui séparent les communes les unes des autres et contribuent à leur existence et leur individualité. En cela, le val d’Orgeval et ses coteaux présentent l’originalité d’échapper au continuum urbanisé de la vallée de la Seine toute proche. Ces espaces de respiration établissent des continuités paysagères et écologiques majeures entre les grandes composantes naturelles que sont la Seine, les forêts de Saint-Germain, de Marly, des Alluets. Les GR 1 et 26 traversent le paysage.

La plaine de la Jonction fragilisée par l'implantation d'équipements qui font pression

La plus célèbre de ces continuités porte le nom adéquat : plaine de la Jonction. Elle a été acquise par l’État sous le Second Empire afin de réunir les deux domaines de chasse que constituent les forêts de Saint-Germain-en-Laye et de Marly-le-Roi. Son rôle de corridor biologique s’est concrétisé notamment par le repeuplement du massif de Saint-Germain par des sangliers venus du massif de Marly.
La plaine de la Jonction, site classé, est constituée de 100ha de terres agricoles.. Elle reste cependant fragile compte tenu de l’implantation de nombreux équipements : lycée agricole et horticole, serres d’essais, habitations, terrains de sport, centre équestre, route des Princesses, RN13…

La même fragilité guette l’ensemble des continuités paysagères et biologiques des coteaux et du val d’Orgeval.

Partager la page