14 – La vallée de la Vaucouleurs

Le plateau du Mantois est pour moi un secteur typique du périurbain. En termes de mise en conviction d’acteurs, d’acculturation sur les éléments paysagers, même si beaucoup d’efforts sont faits en termes d’études, d’ateliers avec les élus etc, je pense que cette attention au paysage doit être constante. Certes il y a les grands projets, mais ce ne sont pas forcément eux qui posent problème. La mobilisation est telle autour des acteurs qu’on se retrouve très nombreux autour de la table : cette dimension paysagère est donc complètement intégrée. Mais c’est sur des projets plus modestes, auxquels on prête moins attention, que se situe la marge de progrès des territoires en général. Quand on a des immeubles mal implantés, quand on a un hangar agricole dont on aurait pu discuter de l’implantation, de la hauteur, des matériaux, des revêtements… Ce sont des exemples de constructions assez récentes qui sont parfois assez catastrophiques. On fait du développement pavillonnaire dans ce secteur-là, et je ne le remets pas en cause, c’est normal ; mais je pense qu’on pourrait faire exactement la même chose avec une qualité d’intégration paysagère qui soit bien meilleure. Jean-Christophe RIGAL

Résumé

La vallée de la Vaucouleurs entaille le plateau du Mantois sur une quinzaine de kilomètres en sud-nord avant de déboucher dans la vallée de la Seine à Mantes-la-Ville. Ramifiée à l’amont par ses affluents que sont la Flexanville, le ru de Prunay et le ru d’Ouville, elle contribue à enrichir les paysages du secteur où dominent les grandes cultures uniformes. Offrant des ambiances pittoresques, la vallée déroule des pentes, coiffées de bois protecteurs en haut de versants et émaillées de bocages à l’aval, de grande qualité et rares en Ile-de-France. Ses friches calcaires, développées sur les anciennes parcelles viticoles ou fruitières en lanières, comme ses pâtures et prairies humides dans les fonds, composent des milieux et des paysages remarquables, propices à la promenade. Montchauvet, ancien village fortifié, concentre aujourd’hui les principaux éléments patrimoniaux de la vallée, à la confluence du ru d’Ouville et de la Vaucouleurs. Les villages sont jusqu’à aujourd’hui restés modestes à l’exception de Mantes-la-Ville à l’aval. Mais une urbanisation résidentielle diffuse gagne peu à peu la vallée, et pourrait la fragiliser, d’autant que ce havre de verdure, trait d’union entre le massif de Rambouillet et la vallée de la Seine, ne fait pas l’objet de dispositions d’inventaires ou de protections, simplement site inscrit et non classé au titre de la loi 1930.

Situation

La vallée de la Vaucouleurs s’allonge en nord-sud sur une quinzaine de kilomètres, dessinant une inflexion d’un peu plus d’un kilomètre de largeur au cœur du plateau du Mantois. A l’amont de Montchauvet vers sa source située sur les hauteurs de la ride de Richebourg, elle ne forme plus qu’un léger plissement, tout comme ses principaux affluents (la Flexanville, le ru de Prunay) à l’amont de Septeuil. A l’aval elle débouche dans l’agglomération de Mantes-la-Jolie et la vallée de la Seine. Bien que faiblement urbanisée et d’aspect préservé (Septeuil est encore un village, avec un peu plus de 2 000 habitants), sa position en a fait un axe de déplacement dans le département, par la RD 983 qui la suit jusqu’à Septeuil, reliant Mantes à Houdan, mais aussi l’A13 à l’A12. Aucune voie ferrée ne l’emprunte contrairement à la vallée de la Mauldre, sa « grande sœur » à une douzaine de kilomètres à l’est.

Unités de paysage locales :
La vallée de la Vaucouleurs de Courgent à Auffreville-Brasseuil
Le vallon du ru d’Ouville
La Vaucouleurs de Montchauvet
Le vallon de Prunay
La vallée de la Flexanville d’Osmoy-Septeuil
La Vaucouleurs de Mantes-la-Ville
Le vallon du ru Morand
Le vallon du ru de Pettelance et de Garré

Caractéristiques paysagères, repérage d’enjeux

Un événement dans le Mantois

La vallée de la Vaucouleurs, comme la Mauldre à une douzaine de kilomètres, constitue un événement au cœur des grandes étendues des plaines et plateaux céréaliers qui accompagnent la vallée de la Seine en rive gauche. Depuis le plateau Mantois, qu’elle coupe en son milieu, elle s’annonce par ses boisements qui ourlent ses rebords. Les petites routes qui y descendent composent autant de portes d’entrées très valorisantes, sinuant agréablement en profitant des inflexions des affluents, et ouvrant des vues d’ensemble prometteuses sur la vallée qui s’annonce.

- Préserver la qualité des routes d’accès à la Vaucouleurs,
- Valoriser la découverte des paysages depuis les routes.

Un creuset de paysages

Protégée par son écrin de boisements qui coiffent ses hauts de pente, la Vaucouleurs s’offre comme un monde à part, bien distinct du plateau qu’elle a creusé sur 600 à 1500m de large. Profonde jusqu’à une centaine de mètres, longue d’une quinzaine de kilomètres dans l’unité de paysage qu’elle forme, elle s’allonge en sud-nord entre les hauteurs de la forêt des Quatre Piliers prolongées par la ride de Richebourg, où elle prend ses sources, et la vallée de la Seine urbaine qui s’ouvre à Mantes-la-Ville.

A l’amont, son ambiance de vallée intime se prolonge au fil de ses affluents principaux que sont le ru d’Ouville vers Montchauvet/Dammartin-en-Serve, Flexanville vers Septeuil-Osmoy, et le ru de Prunay vers Prunay-le-Temple.

Sur son cours, les courbes gracieuses de ses pentes s’animent à la faveur de petits affluents qui enrichissent et complexifient le paysage : ravin de la Carnette (vers Courgent), ru de Pettelance et vallon de Garré (vers Villette), vallon de Chavannes (entre Villette et Vert), vallon de Breuil-Bois-Robert (vers Brasseuil), ru Morand (vers Vert).

Des paysages de pentes remarquables

Les boisements des hauts de versant de la vallée, qui assurent son écrin protecteur, sont en fait relativement récents. Ils masquent un parcellaire en lanières très étroites, qui trahissent la présence ancienne de la vigne, cultivée pour alimenter Paris en vin par la vallée de la Seine. L’arrivée du train au XIXe siècle, en rendant possible l’acheminement massif des vins du Midi, va progressivement faire disparaître la vigne de la Vaucouleurs.

Un temps occupé par les vergers et arbres fruitiers en remplacement du vignoble, ce parcellaire s’est effacé au cours des dernières décennies sous la toison uniforme des friches et des bois. Certaines friches, encore semi-ouvertes ou couvertes de pelouses « armées » d’épineux - mais aussi d’orchidées -, composent des milieux naturels riches en biodiversité, qui semblent oubliés des dispositifs d’inventaire ou de protection (voir néanmoins le SRCE 2013). D’autres se font coloniser par l’urbanisation diffuse de pavillons (notamment autour de Septeuil).

En contrebas de cette couronne de bois récents, les pentes s’incurvent élégamment jusqu’au fond de la vallée. Elles offrent de remarquables paysages en présentoirs : les pâtures et prairies se mêlent aux champs, composant un camaïeu de parcellaire enrichi par des structures végétales diverses et de grande qualité.

Ponctuellement l’ensemble compose un bocage de haies et d’arbres, rare en Yvelines et en Ile-de-France, tout particulièrement remarquable entre Villette et Vert sur le versant de la rive droite.

En fond de vallée, des prairies et pâtures ont pu localement être maintenues, enrichissant les milieux et les ambiances de zones humides, rares à l’échelle régionale et propices à la promenade. Des ripisylves d’aulnes et de saules accompagnent la rivière et contribuent à la richesse paysagère de la Vaucouleurs lorsqu’elles sont gérées sans densité excessive. Un Contrat Global de bassin pour la Vaucouleurs et ses affluents, engagé par la Communauté de communes du Pays Houdanais, contribuent à la gestion de la rivière et à ses aménagements avec le Syndicat Rivière Vaucouleurs Aval.

Certaines communes ont mis en valeur la présence de la Vaucouleurs en aménageant ses abords en parc public ; c’est le cas en particulier à Mantes-la-Ville, avec les 11ha du Parc de la Vallée, réaménagé en 2005, mais aussi à Courgent.

- Préserver les structures paysagères bocagères.
- Préserver les friches et pelouses calcicoles.
- Valoriser pour la promenade le bocage de Vert-Villette.
- Protéger les prairies, pâturages et zones humides.

Des " routes paysage"

Qu’elles suivent le fil de la vallée, ou la relient au plateau Mantois, les routes de la Vaucouleurs offrent le plus souvent des ouvertures de qualité sur le paysage. Un réseau de chemins enrichit encore les possibilités de promenades, précieuses pour une vallée quelque peu isolée dans les vastes étendues des grandes cultures du Mantois. La vallée joue ainsi un rôle touristique et de loisirs de plus en plus attractif.

- Valoriser les "routes-paysage" qui permettent la découverte du paysage de la vallée.

Un patrimoine et des usages de loisirs précieux

Au cours de son histoire, la Vaucouleurs a fait l’objet d’aménagements nombreux. On ne compte pas moins de 25 moulins sur la carte de Cassini au XVIIIe siècle. Le seul qui reste actif est le moulin de Brasseuil, qui produit notamment de la farine labellisée bio. Sur son cours aval, la rivière a été doublée d’un bras creusé sur 7,5 km, sans doute par des moines au Moyen-Age : le Moru (de Mauru : le mauvais ru).

Les crues subites de la rivière, susceptibles en particulier d’inonder l’urbanisation de Mantes à l’aval, ont pu conduire ponctuellement à des aménagements à caractère patrimonial, tel le pont submersible de Rosay, dépourvu de rambarde et dessiné avec un profil sinueux facilitant le passage de l’eau.

A proximité de la frontière avec la Normandie Anglaise, la vallée a fait l’objet d’aménagements défensifs complémentaires à ceux de Houdan. Montchauvet en témoigne, malgré les destructions de ses fortifications opérées sous Charles V et Henri IV. Constitué à partir d’un château-fort établi par le roi Louis VI Le Gros au XIIe siècle, le village offre encore un riche patrimoine construit, tenu dans une belle unité urbaine et paysagère : pont roman sur le ru d’Ouville, donjon, porte de Bretagne, église Sainte-Marie-Madeleine, … Mais c’est plus encore son élégante silhouette et son magnifique site bâti, en éperon au-dessus de la confluence du ru d’Ouville et de la Vaucouleurs, qui contribuent à la qualité paysagère de la vallée amont.

Après les troubles du Moyen Age et de la Renaissance, la Vaucouleurs semble avoir été oubliée des sites de villégiature. Seul le château de Rosay, établi au XVIIe et XVIIIe siècle sur les ruines d’un ancien château fort, jouit de la vue dominante sur la Vaucouleurs, environné d’un parc remarquable avec fabriques et escalier d’eau.

Au XIXe siècle, les ambiances pittoresques de la vallée ont attiré les peintres qui y ont formé l’école de Septeuil, avec Antoine Chintreuil, Jean Desbrosses, François Flameng notamment.

Aujourd’hui, la discrète Vaucouleurs attire les habitants de Mantes pour leurs promenades de proximité, et plus largement les amateurs de randonnée, qui profitent du GR 26, du GR 11 et du GR de Pays des Yvelines. Elle est aussi fréquentée par les pêcheurs grâce à la présence de truite fario.

- Poursuivre la mise en valeur de Montchauvet.
- Donner à découvrir le patrimoine méconnu du chateau de Rosay et son parc.
- Créer un parcours des peintres dans la Vaucouleurs sur le modèle des parcours des peintres Impressionnistes en bords de Seine.

Des sites bâtis encore préservés

Comparée à la vallée de la Mauldre, la Vaucouleurs, plus éloignée du cœur de l’agglomération parisienne et dépourvue de desserte ferroviaire, est un peu moins soumise à la pression d’urbanisation. Les villages se succèdent tous les deux kilomètres environ et sont restés modestes. A l’amont, Septeuil fait office de "microcapitale" avec ses quelques services et commerces. Allongé au fil de la vallée et irrigué par ses sentes, c’est un véritable petit pôle d’activité à l’échelle du Pays Houdanais. A l’aval, Mantes-la-Ville constitue la porte d’entrée/sortie urbaine de la Vaucouleurs sur la vallée de la Seine.

L’aspect relativement préservé de la vallée est largement lié au fait que l’axe RD 983/RD 11, qui emprunte la vallée, n’a pas fait l’objet d’urbanisation linéaire marquée. Mantes-la-Ville est déviée, et seul le village de Vert est réellement traversé. Les autres villages de la vallée ont su se développer à distance sur des petites routes parallèles, ou en épaisseur : Auffreville, Brasseuil, Villette, Rosay, Septeuil, … Ils sont complétés par des villages postés sur les hauteurs, dominant la vallée : Courgent, Saint-Corentin, Breuil-Bois-Robert, et surtout Montchauvet à l’amont, dont le site est remarquable.

Soignés dans leur réhabilitation, les villages trahissent l’attractivité de la vallée pour l’habitat résidentiel. Parés de pierre calcaire claire, leur structure reste simple, avec des bâtiments implantés parallèlement ou perpendiculairement à l’alignement de la rue, l’ensemble étant tenu par de beaux linéaires de murs de pierre.

- Conforter Septeuil comme "microcapitale" de la vallée amont.
- Favoriser le développement des villages autour de leur centre et en épaisseur.
- Protéger les abords de la RD 983 et de la RD11 de l’urbanisation linéaire.

Une urbanisation récente diffuse

C’est logiquement à Mantes-la-Ville que la pression d’urbanisation se lit le plus dans le paysage, avec la construction des pentes de la rive droite dans les années 1980 (domaine de la Vallée) : collectif et social en bas de pente, pavillons en haut de pente. De façon plus insidieuse, l’urbanisation se développe aujourd’hui plus largement dans la vallée, maison par maison. Diffuse, elle reste encore relativement discrète dans le paysage perçu, mais les cartes montrent l’importance de son emprise, qui "consomme" l’espace sans conforter les centres villages. Elle se développe sous trois formes : en linéaire en fond de vallée (Septeuil, Villette, Brasseuil, Mantes-la-Ville), en semis sur les pentes (Courgent, Garet, Vert, Breuil-Bois-Robert) et en débordement sur le plateau Mantois (Septeuil, Courgent).

La grande qualité paysagère de la Vaucouleurs n’a pas donné lieu à des dispositions de préservation jusqu’à aujourd’hui, autres qu’une simple inscription d’une partie de son cours au titre des sites, entre Montchauvet et Villette (site inscrit de la Haute vallée de la Vaucouleurs).

- Conforter les structures des villages et les centres en privilégiant la densification.
- Préserver les pentes et les bords de routes de l’urbanisation.

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