06 - Le plateau de Saint-Quentin-en-Yvelines
La ville nouvelle n’a peut-être pas enlevé le morceau en ayant ses maisons aux différents types, et avec les voies rapides ; comme il faut que les gens soient tranquilles, on met des murs anti-bruits, et ça fait des sortes de casiers.
Il y a pourtant des pistes intéressantes, avec notamment sur le plateau les rigoles qui sont liées aux grandes eaux de Versailles. C’est une manière de penser superbe.
Alain FREYTET
Résumé
Très proche de Versailles, l’urbanisation de Saint-Quentin-en-Yvelines reste étonnamment discrète dans le grand paysage des Yvelines. Par les boisements qui accompagnent ses limites, elle reste globalement invisible des plaines de Versailles au nord et de Neauphle/Jouars à l’ouest, mais aussi des plateaux agricoles du Hurepoix à l’est et au sud qui appartiennent au paysage des « vallées et plateaux de Chevreuse ». L’urbanisation de Saint-Quentin-en-Yvelines apparaît aujourd’hui caractéristique des années 70, avec de larges emprises routières paysagées, de généreux « espaces verts », et des quartiers aux formes urbaines et architecturales hétérogènes, où les zones d’activités, développées autour des infrastructures principales, sont distinctes des zones d’habitat. De grands espaces de nature sont insérés à la ville, notamment les 600 ha la base de loisirs, développée autour de l’étang de Saint-Quentin hérité du XVIIe siècle. L’ensemble bâti et naturel de la ville souffre aujourd’hui des coupures occasionnées par les infrastructures RN 12, RN 10-voie ferrée, A12 et par les échangeurs. La requalification urbaine et le redéveloppement de rues et circulations douces en lieu et place des routes améliorent la ville.
Situation
Le paysage du plateau de Saint-Quentin-en-Yvelines correspond à la partie urbanisée du nord du Hurepoix. Il se démarque des limites administratives de la ville nouvelle proprement dite qui comprend sept communes (Élancourt, Guyancourt, La Verrière, Magny-les-Hameaux, Montigny-le-Bretonneux, Trappes et Voisins-le-Bretonneux). Il intègre l’urbanisation des communes voisines développée sur le plateau et en continuité : cela concerne des parties de Bois d’Arcy, Plaisir, Saint-Cyr-l’Ecole, Versailles, Le Mesnil-Saint-Denis, Coignières et Maurepas . Les terrains agricoles de la ville nouvelle (plateau de Magny-les-Hameaux) font partie de l’unité de paysage « vallées et plateaux de Chevreuse ». Au final, le paysage du plateau urbanisé s’étend de Guyancourt à l’est à Maurepas à l’ouest sur une quinzaine de kilomètres, et de Bois d’Arcy au nord à Coignières au sud sur une dizaine de kilomètres. Le plateau de Satory est rattaché à cette unité malgré son aspect insulaire, qu’a renforcé la RN 12 en déblais dans sa limite ouest.
De grosses infrastructures routières traversent l’étendue : la RN 12 en est ouest et la RN10. L’A12 s’ajoute aux deux premières aux marges nord, en échangeant avec elles. La desserte ferrée est assurée par la ligne SNCF/ RER C/transilien qui suit la RN 10 vers Chartres, à laquelle s’ajoute la ligne de transilien en direction de Houdan et Mantes en limite nord d’unité. L’ensemble génère un fractionnement certain de l’urbanisation, que renforcent les systèmes d’échanges routiers complexes (en particulier au nord les échanges RN 12, RN 10 et A 12) et l’imposante gare de triage de Trappes, dont les emprises dépassent 6 ha. Le métro automatique du Grand Paris desservira la ville nouvelle.
Au sein de l’urbanisation héritée de la ville nouvelle, les quartiers, trop nombreux pour être identifiés à l’échelle de l’atlas départemental, composent les unités de paysage locales, chacun marqué par des formes urbaines et une architecture spécifiques. On compte par exemple une quinzaine de quartiers sur la seule commune d’Élancourt.
Pour identifier les unités de paysage locales à une échelle plus vaste, on peut tenir compte de la forte coupure générée par la RN 10 et la voie ferrée, qui fait le distinguo entre la partie est et la partie ouest de l’urbanisation. S’y ajoutent trois « îles » : Bois d’Arcy (séparée du reste par la base de loisirs et la forêt et coupée du reste par la RN 12 et l’A12), l’ensemble constitué du Mesnil-Saint-Denis et de la Verrière, séparé du reste de la partie orientale de l’urbanisation par la forêt domaniale de Port-Royal, et le plateau de Satory. Ce qui donne comme unités de paysage locales :
- Le plateau urbain de Saint-Quentin partie est
- Le plateau urbain de Saint-Quentin partie ouest
- Bois d’Arcy
- Les Mesnil-Saint-Denis/la Verrière
- Le plateau de Satory
Caractéristiques paysagères, repérage d’enjeux
Une ville nouvelle aux nettes limites boisées
La ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines occupe le nord du plateau du Hurepoix. A quelques kilomètres à peine de Versailles, et malgré ses énormes emprises, elle reste discrète dans le paysage « historique » de la ville du Roi Soleil, et plus largement dans le paysage des plaines agricoles de Versailles et de Jouars/Neauphle en contrebas aux alentours. Cohabitent ainsi dans le département deux villes « nouvelles », l’une du XVIIe siècle, et l’autre du XXe siècle ; mais aussi une grande ville et des grands espaces agricoles, avec des limites franches entre les deux types d’occupation du sol contrastés ; et des villages historiques qui, perçus depuis les plaines, ne laissent rien deviner de l’étendue de la ville nouvelle -Neauphle ou Maurepas, par exemple.
Le coteau boisé de Satory/Bois d’Arcy (en vert dense) dissimule de façon étonnamment efficace la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines et le camp de Satory depuis la plaine de Versailles. Seule l’urbanisation de Saint-Cyr-l’Ecole (en gris) consomme ponctuellement cette puissante structure paysagère au passage du train et de la RD 10.
Comme partout ailleurs dans le département, les rebords forestiers du plateau jouent un rôle essentiel de forte transition paysagère. Au nord et à l’ouest, le plateau urbanisé est clairement délimité par les pentes qui s’inclinent respectivement sur la plaine de Versailles et sur la plaine de Jouars/Neauphle. Cette limite topographique est renforcée par les boisements des pentes et le rebord du plateau : forêt domaniale de Maurepas, forêt départementale de Sainte-Apolline en limite nord-ouest, forêt domaniale de Bois-d’Arcy, bois de Satory.
Au sud et à l’est, l’urbanisation du plateau s’interrompt également nettement pour laisser place aux étendues agricoles et boisées des « vallées et plateaux de Chevreuse » :
- Voisins-le-Bretonneux s’arrête ainsi sur le plissement boisé creusé par la Mérantaise ;
- Le Mesnil-Saint-Denis au sud s’achève sur le cordon boisé du ru du Pommeret ;
- Trappes et sa zone d’activités s’arrêtent sur la forêt domaniale de Port-Royal, qui prend dans ses marges les étangs des Noés (tête de la vallée du Rhodon) et du Manet (tête de la Mérantaise).
Lorsque la topographie naturelle et ses boisements sont absents, les limites de l’urbanisation ont par endroits été fabriquées de toute pièce :
- Guyancourt s’est constitué une épaisse limite artificielle avec le plateau agricole de Saclay, constituée par les buttes qui accompagnent son golf national et le Centre d’étude et de recherche automobile de Renault ;
- Quant au Mesnil-Saint-Denis, il s’est constitué une limite assez douce et subtile autour de la RD 58, dont le château-mairie constitue le point d’orgue.
Les limites de la ville nouvelle sont nettes ce qui rend d’autant plus sensible les quelques espaces de transitions fragiles :
- au sud l’étroite coupure d’urbanisation qui sépare Coignières des Essarts-le-Roi au sud, autour de la RN 10 et de la voie ferrée
- au nord-ouest les pentes molles du ru Maldroit, qui ont pu être en partie conquises par l’urbanisation de Plaisir, conduisant à l’épanchement de l’urbanisation du plateau dans la plaine de Versailles (Plaisir, les Clayes-sous-Bois), bien visibles depuis les espaces agricoles autour de Grignon
- au nord-est les pentes de Saint-Cyr, urbanisées à la faveur du fractionnement des pentes par le passage des grandes infrastructures ferroviaires et routières.
- Conserver l’écrin boisé qui intègre la ville nouvelle dans le paysage.
- Valoriser les « portes » boisées d’entrées/sorties de la ville nouvelle voire en recréer.
- Favoriser la recomposition des transitions arborées du plateau de Saint-Quentin-en-Yvelines dans ses limites fragilisées : Plaisir, Saint-Cyr, Coignières.
Une ville nouvelle marquée par l’importance de la voirie et la diversité des formes architecturales et urbaines
Encore totalement agricole il y a 100 ans, le plateau voit une première évolution urbaine avec la création de la voie ferrée avec la gare de triage de Trappes en 1935. Elle conduit au développement d’une cité cheminote, dont le lotissement « les Dents de Scie » constitue un héritage urbain et architectural patrimonial petit mais emblématique, avec sa perspective « cubiste ».
Après la guerre, le développement de l’urbanisation s’opère de façon éclatée avant même que la ville nouvelle ne soit officiellement créée en 1972.
Cette « pré-histoire » de la ville nouvelle explique une part de son hétérogénéité paysagère et sociale contemporaine. L’héritage de l’histoire au long cours du plateau n’existe plus aujourd’hui que sous la forme anecdotique de rares bâtiments réhabilités (la Commanderie des Templiers de la Villedieu, la ferme du Mousseau…) et des petits centres anciens des villages d’origine.
Le développement urbain s’accélère considérablement après la création officielle de la ville sur les 11 communes concernées. De 25 000 en 1970, la population passe à plus de 140 000 en 1999, soit un bond de 600% en 30 ans. Aujourd’hui, la population se stabilise à un niveau proche de 150 000 habitants. La ville nouvelle offre également une large place aux entreprises (près de 8 000 établissements), au point de concentrer en 2013, 20% des emplois du département (107 000 emplois pour la seule ville nouvelle administrative). Elles se répartissent autour des grandes infrastructures RN 12 et RN 10 e profitent de l’effet de vitrine. Elles offrent ainsi une image trompeuse de la ville nouvelle pour tous ceux qui empruntent ces grandes voies. La part relativement importante des actifs résidents travaillant sur place (36%) est néanmoins un puissant facteur d’appartenance et d’identité locale pour Saint-Quentin-en-Yvelines et ses habitants.
- Poursuivre la remise en valeur des traces historiques du plateau.
- Requalifier les linéaires commerciaux des grandes routes (RN10 notamment).
- Réduire les effets de coupures urbaines et paysagères de ces grandes infrastructures.
- Conforter les commodités de desserte par voies douces entre zones d’emploi et zones d’habitat.
Le paysage de Saint-Quentin-en-Yvelines, hérité de ce développement rapide des années 1970-1980, est caractéristique de celui des villes nouvelles d’Ile-de-France : larges emprises routières, générosité du « vert », séparation des fonctions entre travail, commerces et logements, "éclatement" des formes architecturales et urbaines en opérations hétérogènes constituant autant de « quartiers » autour de bâtiments signés par de grands noms de l’architecture..
Les routes et le réseau ferré ( RN 12, RN 10, A12) renforcent les coupures physiques au sein de la ville et nuisent fortement au fonctionnement de proximité de la ville nouvelle car ils fractionnent les quartiers en grands morceaux relativement autonomes les uns par rapport aux autres. Des opérations de renouvellement urbain transforment néanmoins progressivement le paysage de Trappes depuis les années 2000, réinventant le paysage de la rue.
A l’échelle plus fine des espaces publics, Saint-Quentin se singularise par plus de 80 œuvres d’art qui jalonnent les places, les jardins, les rues et les carrefours routiers ; elles sont signées par des artistes de renommée internationale comme Piotr Kowalski, Marta Pan, Dani Karavan ou Nissim Merkado. Cet investissement dans l’art public a valu à la ville le label Villes et Pays d’art et d’histoire, attribué par le ministère de la Culture ; elle devient ainsi la première ville nouvelle mais aussi la première ville de la seconde moitié du XXe siècle à recevoir ce label.
Des espaces de nature dans l’urbanisation
Les grands espaces de nature qui font les limites du plateau s’étendent également dessus, au sein des espaces bâtis : la forêt domaniale de Maurepas, la forêt départementale de Sainte-Apolline, la forêt domaniale de Bois-d’Arcy, le parc des sources de la Bièvre ; s’y ajoutent les grands espaces proprement intra-urbains de la base de loisirs de Saint-Quentin-en-Yvelines, des bois et la butte de la Revanche (point culminant de l’Ile-de-France, 231 m). Par leur immédiate proximité, ils contribuent puissamment à l’attractivité du cadre de vie de la ville nouvelle, pour peu qu’ils soient ouverts et perméables aux circulations douces, afin de ne pas entraver le fonctionnement urbain de la ville dans son ensemble.
L’ensemble est complété par le maillage plus fin des parcs, jardins, promenades et plantations de la ville nouvelle, pour composer sa trame verte. Néanmoins, les limites plus ou moins bien traitées, et surtout les coupures que génèrent les grandes infrastructures aux marges de ces espaces, gênent la fusion plus étroite, en termes d’image comme en termes d’usages, entre l’urbanisation et les espaces de nature.
Un paysage de l’eau réinventé
Comme ailleurs sur le plateau de l’Yveline et du Hurepoix, les besoins en eau des jardins de Versailles ont conduit à la création d’un réseau d’étangs et de rigoles au XVIIe siècle, favorisé par la nature argileuse des sols. La ville nouvelle s’est en partie organisée avec ce réseau, mais a conduit à couper cette alimentation historique de Versailles en 1977. Si l’énorme étang d’Arcy, mentionné sur la carte de Cassini, a disparu dès le XIXe siècle, celui de Saint-Quentin a été préservé dans le schéma de la ville nouvelle du XXe siècle ; converti en base de loisirs côté est et en réserve naturelle côté ouest, il constitue une pièce maîtresse du paysage de la ville nouvelle, offrant des usages de proximité variés aux habitants ; mais les coupures physiques et paysagères gênent aujourd’hui son inscription pleine et entière dans le tissu de la ville et son fonctionnement urbain : clôtures, entrées limitées (et payantes) ; coupures des grandes infrastructures qui la longent : RN 12, A 12 et RN 10. Reconnue comme une des plus importantes zones humides d’Ile-de-France, la réserve naturelle de Saint-Quentin-en-Yvelines reste relativement discrète au sein d’un secteur très artificialisé. Créée en 1986 et devenue site Natura 2000, elle offre un havre de paix aux oiseaux migrateurs à proximité immédiate de la base de loisirs, étonnant en pleine urbanisation parisienne. 230 espèces d’oiseaux y ont été identifiées, dont le balbuzard pêcheur et la bécassine des marais. Un sentier jalonné d’observatoires ornithologiques permet la découverte de la réserve. Le cœur de la réserve conserve des paysages naturels préservés.
Plus petits, les étangs des Noés, du Manet et de la Martinière (Satory), aux marges de la ville nouvelle, jouent aujourd’hui un rôle de précieux réservoir biologique et de rétention des eaux pluviales, rendue nécessaire par l’imperméabilisation des sols résultant de l’urbanisation du plateau.
Quant aux rigoles, elles passent par endroits encore discrètement au sein des tissus construits. De nombreuses mares et retenues se retrouvent également disséminées sur le plateau dans des contextes très différents comme par exemple des boisements ou même des zones d’activité. Celles-ci peuvent néanmoins révéler un potentiel écologique intéressant d’autant plus en cas de connexion avec des grands réservoirs de biodiversités des étangs.
Au-delà des héritages, l’eau a surtout fait l’objet de réinterprétation et de mise en scène dans les aménagements urbains. L’exemple le plus frappant est le quartier du Lac à Montigny/Voisins-le-Bretonneux, où l’architecte Ricardo Bofill a pris une référence classique « Versaillaise », au risque d’une composition urbaine un peu froide et hors d’échelle. Ailleurs, la présence d’une eau plus intimement présente dans les espaces publics permet leur mise en valeur, comme à Guyancourt.
- Réduire les coupures de l’étang de Saint-Quentin avec son contexte urbain.
- Poursuivre la valorisation de l’eau, « historique » ou réinventée, dans les aménagements urbains et notamment les espaces publics.