05 - La vallée de la Bièvre
La ville nouvelle n’a peut-être pas enlevé le morceau en ayant ses maisons aux différents types, et avec les voies rapides ; comme il faut que les gens soient tranquilles, on met des murs anti-bruits, et ça fait des sortes de casiers. Il y a pourtant des pistes intéressantes, avec notamment sur le plateau les rigoles qui sont liées aux grandes eaux de Versailles. C’est une manière de penser superbe. Alain FREYTET
Résumé
A seulement 15 kilomètres de Paris, la vallée de la Bièvre, taillée dans le plateau du Hurepoix, s’offre comme une vallée verte, protégée par les boisements de ses versants prononcés, allongée dans la direction armoricaine entre le plateau de Satory/Vélizy d’un côté, et le plateau de Saclay de l’autre. La grandeur de cette continuité de nature se lit aujourd’hui difficilement, du fait de la rareté des points de vue dominants et englobants. La vallée s’offre plutôt dans son intimité, à la faveur des quelques espaces ouverts par les pâtures et les prairies, qui dégagent par place ses bas de pentes et ses fonds, par ailleurs pris par le développement des frondaisons. L’eau, aménagée depuis des siècles pour les besoins de Versailles, de Paris et de l’ensemble de l’aval de la vallée, compose aujourd’hui des sites marquants comme la succession des étangs amont, pris dans la forêt, ou, dans un tout autre genre, l’aqueduc de Buc, monument de la vallée du réseau d’alimentation des fontaines du château de Versailles. L’urbanisation dans la vallée même est restée relativement contenue, et le paysage de la Bièvre voit sa vocation champêtre et forestière pérennisée par le classement du site en 2000. Mais la pression urbaine subie de toutes parts à ses abords, notamment sur le rebord du plateau de Saclay, en fait un corridor vert de plus en plus intra-urbain et fragile. Cette grande nature urbaine déroulée en vallée est une originalité propre à la Bièvre en Ile-de-France, qui s’affirme progressivement comme une sorte de « parc naturel urbain ».
Situation
Dans ses confins nord, le plateau du Hurepoix se voit profondément incisé par la Bièvre qui sépare le plateau de Satory au nord du plateau de Saclay au sud. Après être sortie de la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines où elle prend sa source (un Parc des sources de la Bièvre y a été aménagé, avec « la perspective » : aménagement artistique de la sculptrice "Marta Pan" symbolisant le passage ville-nature), elle crée une vallée verte marquée sur une bonne dizaine de kilomètres de longueur dans le département. Elle structure ainsi les communes de Guyancourt, de Buc, des Loges-en-Josas et de Jouy-en-Josas. Au-delà, elle se poursuit sur une vingtaine de kilomètres à travers l’Essonne, les Hauts-de-Seine et le Val-de-Marne, et enfin Paris, où elle rejoint la Seine vers le Jardin des Plantes et la gare d’Austerlitz (elle n’alimente plus la Seine, canalisée d’ Antony à la station d’épuration d’Achères depuis 1956). Longée au nord par l’axe A86/RN12 qui reste à distance sur les plateaux, la Bièvre yvelinoise est essentiellement traversée par des routes départementales. Elle se situe à la limite de l’urbanisation parisienne continue. Les développements urbains au sud sur le plateau de Saclay la rendent progressivement de plus en plus urbaine.
Unités de paysage locales :
La Bièvre yvelinoise amont et ses étangs boisés
La Bièvre yvelinoise aval et ses prairies
Le vallon du ru Saint-Marc
Le vallon du Petit-Jouy (RD 446)
Le vallon de Buc (RD 938)
Le vallon de l’Epi d’Or
Caractéristiques paysagères, repérage d’enjeux
"Une rivière au fond des bois sur les deux pentes ;
Là, des ormeaux, bordés de cent vignes grimpantes ;
Des prés, où le faucheur brunit son bras nerveux ;
Là, des saules pensifs qui pleurent sur la rive,
Et, comme une baigneuse indolente et naïve,
Laissent tremper dans l’eau le bout de leurs cheveux.
…
Là-bas, un gué bruyant dans les eaux poissonneuses
…Des carrés de blés d’or ; des étangs au flot clair ;
Dans l’ombre, un mur de craie et des toits noirs de suie ;
Les ocres des ravins, déchirés par la pluie ;
Et l’aqueduc au loin qui semble un pont dans l’air (…) "
Extrait d’un poème à Mlle Louise Bertin,
Victor Hugo, Les feuilles d’automne. Les champs du crépuscule , édition Furne et Cie, Paris 1872
Un havre de nature protégé par ses hauts versants boisés
La vallée de la Bièvre est la petite sœur de la vallée de l’Yvette. Comme elle, elle forme une incision profonde du plateau du Hurepoix, d’une soixantaine de mètres de profondeur. Les pentes raides font apparaître la couche des sables de Fontainebleau, occupée par la forêt. La vallée apparaît ainsi remarquablement verte, préservée par son écrin arboré.
Cette image de nature prend une valeur toute particulière dans le contexte bien davantage périurbain et urbain de la vallée, contrastant radicalement avec le plateau tout proche de Vélizy-Villacoublay, urbanisé et irrigué par le flot de véhicules de l’A86, le plateau de Satory et celui de Trappes, occupé par la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines. La Bièvre s’offre ainsi comme une heureuse surprise à ceux qui ne se contentent pas de la traverser en voiture, mais qui s’attachent à la parcourir en long. Elle est particulièrement fréquentée dans sa séquence amont, où se succèdent les étangs de la Minière. La pression s’accentuera encore dans les années à venir avec l’urbanisation programmée d’une partie du plateau de Saclay.
- Protéger les bois et forêts des versants formant écrin et protection à la vallée.
- Gérer ces boisements en faveur des ambiances forestières, des paysages et de la protection des sols.
Des affluents discrets qui enrichissent le paysage
Les quelques affluents de la Bièvre creusent des vallons annexes également boisés d’aspect, qui festonnent et animent agréablement le déroulé des versants de la Bièvre. Ils permettent à la vallée de se connecter à Versailles en particulier, par la RD 91 à 2X2 voies, par la RD 938, urbanisée à ses abords (vallon de Buc) et par la RD 446 (avec la voie ferrée, vallon de Petit-Jouy) qui, restée préservée de l’urbanisation, assure une partie d’entrée de ville verte pour la ville de Jouy-en-Josas.
En rive sud, le ru Saint-Marc, qui débouche à Jouy, dessine un vallon préservé, incisé dans le flanc du plateau de Saclay. Il est aménagé en étangs successifs, dont trois font partie d’un espace naturel sensible acquis par le Conseil Général des Yvelines, ouvert au public en 2011 : le parc des Côtes Montbron. Le vallon accueille également un golf de 52 ha, qui contribue à l’ouverture visuelle du paysage, mais qui peut constituer une coupure physique.
Des entrées dans le site et des parcours marqués par les murs de meulière
Au fil des routes qui longent ou qui donnent accès à la vallée, de longs linéaires de murs en pierre de meulière accompagnent l’automobiliste. Ils délimitent les nombreuses grandes propriétés qui occupent les lieux, et contribuent à la personnalité du paysage de la Bièvre. Entre Bièvres et Jouy, la route est accompagnée de hauts platanes qui marquent le passage entre Yvelines et Essonne, et cadrent les rares ouvertures vers le paysage.
Des espaces ouverts précieux et fragiles
L’omniprésence des boisements sur les pentes laisse peu d’ouvertures sur le grand paysage de la vallée, notamment depuis les routes, d’autant que les longs linéaires de murs de meulière accompagnent les parcours, s’ajoutant aux haies et frondaisons opaques des jardins.
Toutefois, comme dans l’Yvette et ses affluents mais de façon moins prononcée, la dissymétrie des coteaux reste la règle et conduit à des pentes exposées au nord ponctuellement plus douces, sur les communes de Buc et des Loges-en-Josas en particulier. Elles sont ponctuellement occupées par l’agriculture ou l’élevage, autorisant des dégagements remarquables sur la vallée verte, d’autant plus précieux qu’ils sont rares. Ailleurs, les bas de pentes bien exposés au sud en contrebas de la forêt sont urbanisés à Buc comme à Jouy-en-Josas (le Petit-Jouy, le Domaine de Vilvert).
L’occupation du fond de la vallée fait apparaître deux séquences contrastées : à l’amont, les boisements abritent la Bièvre et offrent des "clairières d’eau" successives : les étangs du Moulin à Renard, du Val d’Or et de la Geneste.
A l’aval, les prairies et quelques rares cultures maintiennent la vallée ouverte et contribuent ainsi à sa valeur paysagère et écologique de « campagne », qui fait le charme ; L’abondance du développement des arbres referme les vues : le Pré Saint-Jean, les pâtures du Petit-Jouy, les prairies entre Jouy et Bièvres.
- Ouvrir des points de vues sur les paysages depuis les routes par une gestion des bords de route.
- Identifier, préserver et gérer des perspectives lointaines sur le paysage de la vallée.
- Préserver les beaux linéaires de murs de meulière qui accompagnent les routes en limites de propriétés (Jouy-en-Josas notamment).
- Préserver les espaces ouverts des pentes.
- Réouvrir les friches par des dispositions de gestion par fauche ou élevage.
- Préserver les fonds de vallées ouverts en prairies, pâtures et cultures, essentiels à la qualité paysagère et écologique de la Bièvre.
- Gérer les arbres d’accompagnement des fonds de vallées (isolés, en haies, ripisylves ou alignements) dans le cadre d’un plan de gestion du paysage concerté.
Aujourd’hui c’est surtout la filière équestre qui permet la gestion des prairies des fonds et des versants : poney-clubs (Buc), Haras (Vauptin, les Loges-en-Josas) et centre équestre (Jouy-en-Josas) se succèdent au fil de la vallée. Elle garantit ainsi l’ouverture du paysage de la vallée et contribue à la diversité de ses ambiances.
Une vallée gérée et accessible au public
Même si les arbres omniprésents tendent à masquer les ouvertures lointaines, la gestion du fond de la vallée assurée par le SIAVB (Syndicat Intercommunal de Gestion de la Vallée de la Bièvre) permet à la fois de maîtriser les crues, d’améliorer la qualité de l’eau, et d’entretenir la rivière au bénéfice des promeneurs et de la biodiversité. Ce travail fait de la Bièvre l’une des rivières les mieux aménagées des Yvelines.
- Compléter le maillage des chemins et pistes cyclables pour assurer la continuité des circulations douces au fil de la vallée (Promenade de la Bièvre, …).
Un paysage de l’eau aménagé
Dans ce cours amont de rivière à la fois proche de Versailles et de Paris, l’eau a fait l’objet d’incessants aménagements hydrauliques qui marquent encore son paysage contemporain.
Les besoins en eau pour alimenter les fontaines du parc de Versailles ont laissé en héritage l’aqueduc de Buc, construit en 1684-1686 sur ordre de Louvois, surintendant des bâtiments du roi Louis XIV. Davantage pris dans les bois qu’autrefois, il s’offre malheureusement peu à voir de loin dans le grand paysage de la vallée. Avec ses 19 arches réparties sur 580 m de long, il transportait les eaux du plateau de Saclay (étangs du Trou Salé et de Villaroy) vers les réservoirs des étangs Gobert, au bout de l’avenue de Sceaux à Versailles. Parmi les nombreuses annexes hydrauliques on compte aussi les mares parfois à l’abandon. Quant à la série de moulins prenant les eaux de la Bièvre pour les remonter vers le plateau de Satory, avant de les écouler gravitairement vers la pièce d’eau des Suisses, elle a disparu.
- Éclaircir la végétation autour de l’aqueduc pour garantir sa perception dans le paysage de la vallée et ouvrir des vues lointaines.
- Réhabiliter les mares.
La chaîne d’étangs qui marque aujourd’hui le paysage du fond de la vallée, - étang du Moulin à Renard, étang du Val d’Or et étang de la Geneste -, est beaucoup plus récente. D’après les photos aériennes, elle date des années 1950 (étang de la Geneste) et 1960 (Moulin à Renard et Val d’Or). En régulant le cours de la rivière pour réduire les inondations à l’aval, ces retenues d’eau ont aussi drainé le fond de la Bièvre, connu pour être marécageux.
Avec ses étangs, la partie amont de la vallée, d’aspect naturel et boisé, est largement pratiquée pour la pêche, la promenade, le sport et les loisirs, grâce au GR 11 et autres sentiers ou routes de découverte, mais aussi aux larges plateformes des digues (chaussées) qui barrent la vallée et accueillent les stationnements. Plus en aval, d’autres espaces naturels à découvrir accompagnent la vallée et ses affluents.
- Enrichir la qualité paysagère et écologique des étangs par le reprofilage plus en douceur des berges, favorable à la biodiversité et à l’enrichissement des ambiances.
- Offrir un parcours pédagogique lié aux milieux humides.
- Revaloriser le paysage des stationnements et aires de loisirs afférentes.
- Faciliter une complémentarité entre les différents espaces naturels ouverts au public dans la vallée de la Bièvre.
La Bièvre a connu son heure de gloire industrielle, avec la manufacture des Toiles de Jouy, fondée en 1760 par l’entrepreneur et imprimeur Christophe-Philippe Oberkampf. Elle employa jusqu’à 1 300 personnes dans les années 1820, ce qui en faisait la plus grande manufacture d’Europe. L’entreprise d’Oberkampf subit de plein fouet la chute de l’Empire. Il en reste aujourd’hui le Musée de la Toile de Jouy, installé dans le château de l’Eglantine, au Petit-Jouy, mais aussi la Mairie (installée dans la maison d’habitation d’Oberkampf), la maison du Pont de Pierre (atelier du XVIIIe siècle transformée en école de musique), auxquels s’ajoute le Vieux Moulin, une minoterie de 1828.
- Développer un parcours historique du paysage des Toiles de Jouy, à partir des représentations anciennes remises in situ (cf les parcours des Impressionnistes en vallée de la Seine).
- Valoriser le paysage de l’eau en milieu urbain.
Une vallée préservée de plus en plus urbaine
L’urbanisation de la vallée de la Bièvre Yvelinoise est restée relativement contenue à seulement une quinzaine de kilomètres de Paris. Les coteaux préservent leur continuité verte, et l’urbanisation en fond de vallée reste discrète, en pied de pentes. Buc s’est allongé dans le vallon affluent que suit la RD 938, Jouy-en-Josas bénéficie d’un centre développé à proximité de la voie ferrée. Il s’allonge au fil de la vallée par le Petit-Jouy et par le Domaine de Vilvert de l’Institut national pour la recherche agronomique (INRA).
Les communes revendiquent un cadre de vie préservé, loin de l’image de agglomération parisienne. Historiquement, la villégiature a d’ailleurs été l’un des moteurs de l’urbanisation du secteur. Jouy-en-Josas (10 000 habitants) s’affiche comme « village ». Un patrimoine architectural de qualité rappelle toujours cette histoire, complété par celui des parcs clos de murs et des jardins.
- Conforter les circulations douces comme mode de déplacement quotidien, en veillant à leur connexion avec Versailles, Saint-Quentin-en-Yvelines, le plateau de Saclay, Vélizy et la vallée aval.
- Conforter le centre ancien de Jouy-en-Josas, à la faveur de la gare ferroviaire.
Le développement s’est plutôt massivement opéré sur les plateaux nord et sud de vallée : le plateau de Satory (commune de Versailles), le quartier des Metz dans la forêt qui achève le plateau de Vélizy-Villacoublay, et les développements saclaisiens du Val d’Albian et d’HEC (Jouy-en-Josas), des Loges-en-Josas, du Haut-Buc.
Mais le poids de l’urbanisation s’exerce aussi par l’amont à l’Ouest (ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, avec Guyancourt) et par l’aval à l’Est (Essonne, avec l’agglomération de Massy remontant jusqu’à Bièvres).
En bordure nord, le paysage paraît relativement stabilisé, avec la forêt domaniale de Versailles, qui coiffe les pentes et les pans de plateaux résiduels, entre celui de Vélizy-Villacoublay et celui de Saint-Quentin-en-Yvelines. Elle prend ainsi en vastes clairières successives le camp de Satory, l’immense golf de la Boulie (106 ha) et le quartier des Metz.
En bordure sud en revanche, le développement du plateau de Saclay, engagé depuis les années 1960, a déjà mis la vallée de la Bièvre dans une situation de plus en plus intra-urbaine, qui pourrait bientôt s’accentuer avec les perspectives de développement programmées pour le plateau au sein de l’Opération d’intérêt national (OIN).
La pression qui s’exerce sur la vallée a conduit à son classement en juillet 2000 pour son intérêt patrimonial, paysager et naturel. Sa situation urbaine se lit dans le périmètre du classement, très découpé du fait d’une délimitation à la parcelle ;autre fait significatif de la pression qui s’exerce : les demandes de dérogation dont ce site est l’objet représentent plus de 25% de l’ensemble des demandes concernant les sites classés d’Ile‐de‐France ! (source : AVB (Association des Amis de la Vallée de la Bièvre) – Diagnostic de la Haute vallée de la Bièvre pour un cahier de gestion, 2011).
- Valoriser ce cadre naturel, culturel et patrimonial unique à 15 km de Paris.
- Préserver les continuités paysagères et écologiques transversales plateau/vallée, en évitant le colmatage par l’urbanisation.
- Favoriser la découverte touristique de la vallée par quelques points d’arrêt et un apport d’information sur le paysage perçu.