02 - Les vallonnements de la Drouette et de la Maltorne

Les gens se promènent au bord de la Drouette le week-end, les retraités la semaine, des gens qui promènent leur chien… Ce sont des endroits exceptionnels. Il y a des sentiers de randonnée très appréciés.Janny DE MICHELIS Je ne sais pas si vous avez vu, mais nous sommes à Orphin à la porte de la Beauce, à 1 km. Je suis d’avis qu’il faut conserver cet environnement, je ne suis pas d’accord pour rurbaniser et pense qu’au contraire il faut protéger. Nous avons la chance d’avoir ces espaces verts, la nature, le calme, la forêt, les plaines, les champs… qu’il faut préserver et ne pas étendre trop la ville avec des bourgs etc. Déjà ici à Orphin nous avons plusieurs hameaux. C’est bien, mais étendre… Mais je pense que les maires ne se rendent pas bien compte que quand on construit, on urbanise, qu’on amène des habitants, il y a ensuite des obligations. Il y a l’école, des équipements, la station d’épuration… Ensuite, si on développe ces villages de façon trop importante, on a le problème du médecin, de l’hôpital, la mairie doit être ouverte tous les jours, … (…) Urbaniser, je trouve que c’est gâcher l’environnement. Or, les gens viennent ici pour une qualité de vie. Et je tiens à préserver justement cette qualité de vie. Ne pas être le faubourg de Rambouillet. Il nous faut notre indépendance. Janny DE MICHELIS

Résumé

La frange sud-ouest du massif de Rambouillet, étirée sur une vingtaine de kilomètres pour une dizaine jusqu’à la vallée de l’Eure dans la région voisine (dont trois à six dans le département) compose un paysage de transition entre le pays d’Yveline et le pays Chartrain. Il présente de fortes originalités à l’échelle départementale, grâce à l’imbrication complexe des bois et des champs. Cette alternance se joue sur une topographie animée en doux vallonnements et collines, grâce aux vallées orientées vers l’Eure : Drouette, Maltorne et leurs affluents Guesle et Guéville. L’ensemble compose un paysage équilibré et à échelle humaine, attractif, offrant de forts contrastes entre les vallées ombragées et les champs lumineux de céréales, qu’adoucissent par endroits les pâtures et prairies de fauche. Les villages, marqués par la pierre meulière omniprésente, s’étirent pour la plupart en linéaire, dans les vallées mais aussi en dehors, sous forme de villages-rues précisément composés, mais fragilisés par leur étirement sans fin.

Situation

Sur sa frange sud-ouest, le massif forestier de Rambouillet s’effiloche, cédant progressivement la place aux grandes cultures. Cette transition douce entre l’Yveline et le Chartrain s’opère à la faveur de plusieurs petites rivières ayant pris leurs sources dans la forêt : la Drouette, la Maltorne et leurs affluents ; elle se prolonge au-delà du département jusqu’à la rivière Eure (Nogent-le-Roi) vers laquelle confluent les rivières, couvrant au total une dizaine de kilomètres, dont trois à six dans le département. Au sud, la Drouette délimite nettement ce paysage avec celui, beaucoup plus ouvert, du plateau de Sonchamp et d’Ablis qui marque l’amorce de la Beauce. Au nord, vingt kilomètres plus loin, c’est le haut rebord boisé de la vallée de la Vesgre qui démarque ce paysage de celui de la plaine de Houdan, marquant une rupture de plus de 70 m de dénivelé. Il se situe juste au sud d’Adainville, étiré sur cinq kilomètres entre le bois de la Charmoie (massif de Rambouillet) et le hameau de Paincourt à Grandchamp. L’ensemble de l’unité est traversé dans sa longueur par le GRP des Yvelines (de Grandchamp à Epernon) et par le GR 655 (de Gazeran à Emancé-Epernon).

Unités de paysage locales :
La vallée de la Drouette
La vallée de la Guéville
La vallée de la Guesle
La vallée de la Maltorne

Caractéristiques paysagères et repérage d’enjeux

Une précieuse et rare imbrication des arbres et des champs

Entre le massif de Rambouillet et la vallée de l’Eure, la forêt cède progressivement la place aux cultures. Cette progressivité est source d’une grande originalité paysagère pour les Yvelines : ici, pas de grandes étendues radicales, ni forestières ni cultivées, mais un harmonieux équilibre entre les bois et les champs, à échelle humaine.

Par endroits, l’ambiance yvelinoise domine avec des effets de clairières refermées par les horizons boisés successifs ; en d’autres endroits, c’est la Beauce qui semble s’annoncer avec des ouvertures larges et des horizons dégagés.

Cette répartition irrégulière et alternée des champs et des bâtiments, offre des profondeurs, des plans successifs, un renouvellement rapide des ambiances, favorables à l’animation du paysage.
Cette trame paysagère, produisant une mosaïque intime entre structure ouverte ou boisée et arbres disséminés, révèle un écosystème complexe très favorable à la préservation d’une faune spécialisée (rapaces nocturnes, chiroptères …).

Quelques prairies et pâtures contribuent à diversifier et à renforcer ces ambiances de lisières.

- Sur la base des cartographies existantes (ECOMOS…), préserver les structures paysagères arborées et naturelles présentes dans les espaces agricoles.
- Encourager la diversification de l’occupation du sol, notamment par le pâturage et les prairies de fauche pour les chevaux.

Mais ce qui semble un équilibre est en réalité le fruit d’une évolution récente, dont témoignent les cartes et les photos anciennes.
Au XVIIIe siècle, la carte de Cassini laisse deviner un paysage nettement plus ouvert. La forêt de Rambouillet est plus en retrait (Poigny-la-Forêt est alors en lisière et non en forêt comme aujourd’hui). Les seuls boisements du secteur sont ceux qui s’étendent au nord de la Drouette entre Orcemont, Emancé et Saint-Hilarion. Ils existent toujours aujourd’hui, à peu près dans les mêmes délimitations et avec des tracés d’allées et de layons que l’on retrouve (Bois de Batonceau, de la Grange, du Pavillon, de Sauvage, des Cent Arpents, de la Mare des Buis, de l’Etang). Partout ailleurs le paysage du XVIIIe siècle est ouvert, avec pour seul autre boisement isolé le parc du château de la Boissière flanqué d’un petit bois aujourd’hui noyés dans la masse de Rambouillet.

Entre 1940 et 1970, les photographies aériennes montrent un paysage où la forêt s’est étendue dans les limites qu’on lui connaît. Mais l’espace agricole présente encore un parcellaire en marqueterie remarquable, qui disparaît avec les remembrements. Cette marqueterie laisse une place aux arbres isolés dans les cultures (arbres de plein champ) eux aussi disparus avec la mécanisation. Les boisements d’aujourd’hui sont plutôt issus d’un abandon des parcelles les moins favorables à une agriculture intensive ; ils sont donc récents pour la plupart.

- Replanter des arbres isolés à certains endroits clés tels que les carrefours, non gênants pour l’agriculture et enrichissant le paysage.
- Expérimenter l’agro-foresterie susceptible de concilier l’arbre avec les cultures dans les espaces semi-ouverts.

Des vallonnements doux et amples formés par les vallées et leurs micro-affluents, dans un jeu complexe avec la direction armoricaine

La valeur paysagère des franges ouest du massif de Rambouillet est également liée à ses reliefs de petites vallées et de buttes étirées en modestes collines, originaux dans le contexte yvelinois. Plusieurs petites rivières animent en effet la topographie, en creusant dans les sables de Fontainebleau : la Drouette et ses affluents (Guéville et Guesle), ainsi que la Maltorne.

Après avoir pris leurs sources dans la forêt, elles suivent une orientation nord-est/sud-ouest vers l’Eure, perpendiculaire à la direction armoricaine, tandis que leurs micros-affluents suivent cette même direction armoricaine. Ce jeu complexe de la topographie favorise l’animation douce et ample du paysage, entre vallées à pentes douces et amples buttes et collines. En limite et hors du département, chacune de ces rivières reprendra finalement la direction armoricaine avant de se jeter dans l’Eure.

Des ambiances fraîches dans les vallées, en contraste puissant avec les étendues agricoles toutes proches

Chaque vallée offre une ambiance ombreuse et fraîche, offerte par les arbres et l’eau, qui contraste radicalement avec les étendues lumineuses des grandes cultures toutes proches.

Les trois vallées et leur chevelu hydrographique forment un complexe de zones humides important pour la biodiversité. Celles-ci génèrent des connexions biologiques entre les zones humides du massif de Rambouillet et la vallée de l’Eure accueillant une zone Natura 2000 en aval. La création de nombreux biefs et d’étangs ont conduit à de fortes transformations des cours d’eau. On observe également une certaine déprise agricole ayant conduit à la régression des prairies humides au profit des friches ou des boisements.

- Améliorer la continuité et la morphologie des cours d’eau et restaurer la fonctionnalité des zones humides.

Des collines modestes mais élégantes, ouvrant des vues originales, étirées au loin sur le massif de Rambouillet

Les buttes et collines, bien que douces et d’altitudes modestes, suffisent à ouvrir des vues dominantes, y compris sur le massif forestier de Rambouillet. Ces vues larges sur l’océan forestier sont rares et précieuses autour de Rambouillet.

- Identifier et mettre en valeur les points de vue par des aménagements de confort et d’information sur le paysage pour le public.

Un maillage dense de villages étiolés en longueur ou diffus

Pays de transition, les vallonnements doux de la Drouette et de la Maltorne accueillent des villages, les villes principales étant plutôt autour (Rambouillet, Epernon, Nogent-le-Roi, Houdan). A défaut de commerces et de services sur place, les commodités urbaines sont d’ailleurs plutôt en Eure-et-Loir.Mais ces villages apparaissent assez rapprochés les uns des autres, souvent à moins de deux kilomètres de distance. Ils occupent prioritairement les vallées, où ils tendent à s’allonger à la faveur de la route. C’est particulièrement vrai dans la vallée de la Guesle, avec Guiperreux, Béchereau, les Chaises, Amblincourt, Raizeux (jusqu’à Epernon), dont les extensions successives en linéaire, de part et d’autre de la rivière, menacent de former un long tentacule d’entrée de ville démesurée pour Epernon. Mais on retrouve ce phénomène d’urbanisation linéaire dans la Guéville, avec Gazeran (le Buissonnet) et Saint-Hilarion, et dans la Drouette avec Emancé (en continuité avec Epernon via Droue-sur-Drouette dans le département voisin de l’Eure).

La même urbanisation linéaire s’observe hors des vallées, avec des villages-rues anciens (Bois-Dieu, Hermeray), ou qui se sont allongés récemment (Curé, Paincourt, la Boissière-Ecole). Enfin certains villages apparaissent diffus dans l’espace, comme La Hauteville, l’Epinette, Mittainville.

Seuls Orcemont et Orphin apparaissent compacts : appuyés aux lisières de la Drouette et tournés vers le plateau d’Ablis, ils appartiennent déjà, par leurs formes, au monde beauceron.

- Identifier et préserver les coupures d’urbanisation (espaces de respiration) encore existantes entre les villages.
- Mettre en valeur les entrées et sorties de bourgs par des plantations ou des alignements d’arbres.
- Favoriser le recentrage du bâti autour du cœur du village.
- Aménager des transitions plantées entre les extensions d’urbanisation et les grandes cultures.
- Enterrer les réseaux aériens.
- Privilégier l’approche interdépartementale des sentiers de grande randonnée de pays et des pistes cyclables entre la forêt de Rambouillet et la vallée de l’Eure

Le village-rue traditionnel montre une organisation précise du bâti : souvent perpendiculaire à la rue, avec pignon à l’alignement, parfois parallèle, il est toujours dans une composition orthonormée ; les murs de pierre viennent unifier la composition architecturale et urbaine de la rue, en reliant les bâtiments les uns aux autres.

Une architecture marquée par la meulière

Les villages du secteur, par leurs matériaux caractéristiques, rappellent à quel point ils sont liés au massif de Rambouillet tout proche. C’est sur le plateau boisé en effet qu’ont été extraites les pierres meulières, qui marquent nettement l’architecture : elles donnent aux bâtiments un « grain » puissant, en étant mise en œuvre en écailles ou sous forme d’enduits à pierre vue. Elles apportent également une coloration chaleureuse aux maisons, que renforcent les toitures de tuile plate brun sombre. Quelques rares chaumières existent encore.

Pour favoriser la découverte ce paysage original des Yvelines, un sentier de grande randonnée de pays (GRP) existe et pourrait être complété par des pistes cyclables dans la continuité du réseau de la forêt de Rambouillet et tirées jusqu’à la vallée de l’Eure, dans une approche interdépartementale.

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